Retour sur trois périodes : de la lente montée en puissance de l’e-learning à la généralisation du « live distanciel » qui a accompagné le télétravail. Une trajectoire qui donne des indications sur la suite (2022 et après).
1995-2007 : un monde si simple
La première période (1995-2007) est celle du module e-learning dans sa plus simple expression : avatar, mascotte, bouton de magnétoscope pour passer à l’écran suivant, quiz de contrôle des connaissances à l’issue de cette sorte de « film d’écran ». Une période qui voit l’émergence, puis l’irrésistible montée en puissance des plateformes LMS chargées de diffuser massivement ces modules, de traquer les temps et les scores, de multiplier les rapports.
Succès assuré par les besoins de formation procédurale, les tutoriels pour apprendre à utiliser les applications informatiques dans l’entreprise, les formations de compliance (la preuve que la formation a bien été suivie est facilitée par l’e-learning).
Apparition du blended learning linéaire : le cours en salle, loin de disparaître (il reste la modalité reine), est précédé et suivi de modules e-learning.
À la manœuvre, deux nouveaux venus : le chef de projet e-learning, qui consacre beaucoup de temps à produire lui-même des contenus e-learning, et l’administrateur de la plateforme LMS. C’est souvent la même personne.
2007-2019 : le foisonnement
L’apparition de l’iPhone en 2007 change la donne. Les offres déjà présentes s’étendent (extension des thématiques de formation, nouvelles modalités), le digital learning se généralise sous l’impulsion de nouveaux modes de consommation numérique. La question de l’expérience d’utilisation passe au premier plan : les dispositifs de formation tentent d’attirer et de fidéliser les apprenants en reprenant les codes du mobile et des réseaux sociaux. Les formats de formation se libèrent ; l’heure est à la gamification, au collaborative learning, à la vidéo, aux podcasts. Le cours en salle tente de maintenir ses positions en usant de gadgets numériques dans son mode d’animation.
Le monde des outils est tout aussi foisonnant : les plateformes LMS demeurent centrales, mais elles doivent composer avec une multitude de « fonctionnels » mieux à même, semble-t-il, de servir l’expérience apprenant, le collaborative learning, le mobile learning. On parlera dorénavant d’écosystème digital de formation.
Entrée en scène du Digital Learning Manager (qui remplace le chef de projet e-learning dans les offres d’emploi), dans le sillage des CDO (Chief Digital Officers) qui ont fait leur entrée en force dans les comités de direction.
2020-2021 : recomposition autour de la classe virtuelle
Confinement et télétravail à l’ordre du jour. Interdit pendant plusieurs mois, le cours en salle est remplacé par les « classes virtuelles » qui, en mars 2020, ressemblent plus à des réunions de formation qu’à de véritables classes en ligne. Des besoins de formation s’intensifient : utilisation des nouveaux environnements numériques de travail (plateformes collaboratives telles que Teams ou Zoom), formations au bien-être, au management à distance, etc. L’écosystème digital de formation se complexifie, de même que le blended learning : comment intégrer harmonieusement cette nouvelle venue, la classe virtuelle comme technologie et comme pratique pédagogique, dans les parcours existants ?
C’est une période de profonde remise en cause pour les formateurs ; le présentiel, jusque-là encore un pilier solide de leur métier, s’effondrant soudain. Leur réaction est à la hauteur des enjeux : ils se forment massivement à la conception et à l’animation d’une classe virtuelle. Les directions formation gagnent en visibilité et en crédibilité, grâce à la réactivité dont elles savent témoigner pour résoudre les problèmes du moment ; elles conservent l’essentiel d’un budget qui voit toutefois d’importants transferts du présentiel au distanciel.
2022+ : une L&D stratège
Le contexte général s’est stabilisé… dans son instabilité ! On ne doute plus d’être entré dans l’ère VUCA (Volatility, uncertainty, complexity and ambiguity) ; preuves supplémentaires à l’appui : le développement du travail hybride et la Grande Démission.
Dans ce paysage bouleversé, les formations « DEI » (Diversité, Equité, Inclusion), et plus généralement celles qui touchent à la RSE, ont le vent en poupe : il s’agit notamment de fidéliser des collaborateurs dont la sensibilité à ces questions s’est fortement accrue pendant la crise.
Le live distanciel, qui s’est répandu comme une traînée de poudre durant la crise, s’étend en même temps qu’il s’approfondit, se professionnalise : la réunion de formation devient progressivement une classe virtuelle digne de ce nom, capable de simuler partiellement les activités pédagogiques du cours en salle ; le coaching digital démocratise le coaching autrefois réservé aux happy few. Ce mouvement n’est pas nécessairement au détriment du présentiel dont le retour en grâce semble au contraire se dessiner, auprès d’apprenants dont la charge mentale s’est alourdie avec le temps passé devant les écrans.
À ce moment de l’histoire, les directions formation ont la chance de renforcer leur crédibilité en confirmant la valeur qu’elles peuvent apporter aux collaborateurs et à l’organisation, sous réserve d’un sérieux retour d’expérience (REX) des deux années qui viennent de s’écouler, et d’un développement de leur capacité stratégique. Demain : une L&D Stratège.
Michel Diaz, Directeur de la rédaction
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